548              MEMOIRES DE PIERRU DB L'ESTOILE.
lendemain; comme il souppoit sur la presidente Seguier, lui furent envoies deux gentilshommes de la part de messieurs de Maienne et Belin, pour le prier de de­meurer.
Le lendemain aprés disner, le duc de Maienne, à la suscitation et instante priere du légat, qui dit audit duc que si d'Aubrai ne sortoit il sortirait, il lui escrivit une fort honneste lettre, par laquelle il lui donnoit son congé; et toutefois s'en excusoit, comme le lui don-. nant par force, avec regret, contre son cœur et sa vo­lonté; Ie priant de croire qu'il estoit et seroit tousjours son ami, et que ce qu'il en faisoit ne procedoit d'au­cune mauvaise affection qu'il eust en son endroit : fai­sant en cela ledit duc comme ceux qui, donnans sur la joue à un homme -9 disent que ce n'est en intention de l'offenser.
Ledit d'Aubrai dit audit duc de Maienne que quel­que part qu'il fust, qu'il crierait tousjours vive France! et ne seroit jamais Hespagnol. De quoi le légat fust fort offensé, et encores plus de ce que lui aiant esté pre­senté de l'argent de la part de l'Hespagnol, il l'avoit envoyé à l'hostel-Dieu. De quoi Rose s'estoit si fort formalizé, qu'il avoit crié et presché contre en plaine chaize, comme si les ausmonnes eussent esté defendues.
Ce jour, s'esleva un bruit à Paris qu'on alloit chas­ser le president Le Maistre, Damours, Du- Vair, le capitaine Villebichot, et un grand nombre d'autres des plus apparans de la ville, qu'on tenoit pour politiques; et qu'après cela on alloit restablir les Seize. Que le co­lonnel d'Aubrai ne s'en iroit point, et qu'il y auroit du sang respandu à bon escient, devant qu'on l'y peust forcer; comme aussi la verité est qu'il estoit fort solli-
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